Ian McEwan

Un bonheur de rencontre

Grande-Bretagne   1981

Genre de texte
roman

Contexte
Ce récit de rêve est le deuxième d’une série de trois qui se suivent. Il apparaît vers le tout début du roman. Il est révélateur des inquiétudes et angoisses qu’éprouve Mary.

Juste avant ce passage, le narrateur affirme que « Pour des raisons qu’ils avaient cessé de pouvoir définir clairement, Colin et Mary ne se parlaient plus. » La séquence qui suit, où le narrateur raconte leur rituel hebdomadaire de se raconter leurs rêves est donc un peu bizarre. Mise à part cette contradiction, cependant, leur rapport difficile peut aider à expliquer l’imagerie angoissée qui paraît dans les rêves de Mary.

L’anxiété un peu confuse que le rêve de Mary exprime au sujet de son âge et de son rapport avec ses enfants peut être perçue comme reliée à un des thèmes principaux du roman, à savoir l’échec des adultes à être à la hauteur de leurs rôles. Que le roman fasse de cet « Ã©chec » une source d’horreur laisse peut-être sous-entendre la nostalgie d’une époque où les adultes étaient plus sûrs d’eux-mêmes.

Texte original

Texte témoin
Un Bonheur de Rencontre. 1981. Trad. Jean-Pierre Carasso. Paris: Seuil, 1993, p. 12-13.

Édition originale
The Comfort of Strangers. 1981. London: Vintage, 1997, p. 1-2.




Rêves de Mary

Ses enfants se chamaillent

Quant à Mary, la dureté du matelas, la chaleur inhabituelle, la ville à peine explorée se combinaient pour déchaîner sur son sommeil un tourbillon de rêves bruyants, discutailleurs qui, se plaignait-elle, finissaient par engourdir son cerveau; et les belles églises anciennes, les retables, les ponts de pierre enjambant des canaux, ne frappaient que faiblement sa rétine, comme projetés sur un écran éloigné. Elle rêvait le plus souvent de ses enfants, les croyant en danger et se trouvant trop impéritieuse ou trop brouillonne pour leur venir en aide. Sa propre enfance finissait par se confondre avec la leur. Son fils et sa fille avaient le même âge qu’elle et l’effrayaient de leurs questions obstinées. Pourquoi es-tu partie sans nous? Quand rentres-tu? Tu viendras nous chercher au train? Non, non, tentait-elle de leur répliquer, c’est vous qui êtes censés venir me chercher moi. Elle racontait à Colin qu’elle avait rêvé que ses enfants se couchaient avec elle, dans son lit, chacun d’un côté, et se chamaillaient toute la nuit par-dessus son corps assoupi. Si je te dis. Non c’est pas vrai. Je te l’ai dit. Non tu me l’as pas dit... tant et si bien qu’elle s’était réveillée épuisée, les mains plaquées contre les oreilles. […]

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