Raymond Queneau

Textes surréalistes

France   1925

Genre de texte
prose

Contexte
Texte publié initialement dans La Révolution surréaliste, no 3, 15 avril 1925, p. 5.

Texte témoin
Œuvres complètes, éd. établie par Claude Debon, Paris : Gallimard, NRF, coll. Pléiade, 1989, p. 989-990.




Un rêve surréaliste

Avec des amis à Londres

Je suis à Londres, dans une des rues les plus misérables de la ville. Je marche rapidement en me demandant comment se dit urinoir en slang. Je passe devant une gare qui me paraît être avec évidence celle de Brompton Road. Dans la rue, une femme chante en français: «C'est jeune». Je traverse ensuite un pont sur la Tamise, devenue excessivement petite et sur laquelle cependant naviguent quantité de navires d'un très fort tonnage. Des marins martiniquais hissent une barque sur le pont. L'animation est extraordinaire. Je me trouve alors, avec trois amis, J. B. P., L. P. et V. T. Ce dernier prétendant n'être pas encore assez «à sec» donne à chacun de nous un billet de cinq francs et une pièce de cinq centimes. Nous passons devant un magasin où sont exposées des antiquités orientales et des fétiches nègres. J. B. P. fait des passes magnétiques devant la vitrine en disant: «Il n'y a pas d'époque tertiaire.» Nous nous trouvons ensuite à la foire des Batignolles qui est d'ailleurs avenue de Clichy. Nous voulons entrer dans un musée anatomique, mais nous ne pouvons rien voir tant la foule est grande. Je veux acheter des bonbons, mais ce que je prenais pour des pastilles d'eucalyptus ce sont des cristaux d'un métal récemment découvert. A ce moment, P. me reproche de ne plus lui écrire; et, aussitôt, je me trouve seul dans une rue, où l'embarras des voitures est considérable. La foule crie: «Ce sont les curés qui encombrent les rues.» Cependant, je n'en vois aucun. J'essaie en vain de traverser; une femme me prend le bras et me dit : «Matrice hypercomplexe.»

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