Avec une jeune inconnue

[Février 1972]

Rêve. Dans le Transsibérien, en traversant de nuit des plaines interminables, grises, brumeuses, et en pensant à ce que signifie la Sibérie (mot pareil à un coup de fouet, à une rafale de vent glacé, à cause de ce qu’on en sait), en pensant aux camps, à Mandelstam, avec une jeune femme inconnue qui m’accompagnera jusqu’en Chine. Je l’entends qui pleure doucement. Elle dit qu’elle ne sait pas pourquoi. Elle proteste quand je lui demande si ce n’est pas à cause de moi, qui suis trop vieux pour elle, qui ai fait d’elle une espèce de prisonnière; elle semble sincère. Alors, comme la voilà debout contre la vitre, j’ouvre sa chemise comme si je voulais montrer à la lune dont la lumière diffuse éclaire un paysage de forêts et de neige la beauté de sa gorge et de son visage; et je lui demande d’un ton pressant pourquoi pareille beauté lui a été donnée, existe, m’est donnée à moi aussi, pourquoi? Son visage s’éclaire peu à peu. Aucune réponse pourtant n’a été trouvée par nous.