Marie-Claire Blais

Le sourd dans la ville

Québec   1979

Genre de texte
roman

Contexte
Ce rêve se situe vers la fin du premier tiers du roman.

Florence, issue d’un milieu aisé, malade et ne pouvant plus supporter la solitude qui règne dans son appartement depuis le départ de son mari, se rend dans un hôtel bon marché tenu par Gloria et son fils Mike, atteint d’un cancer.

Édition originale
Le sourd dans la ville, Montréal, Stanké, 1979, p. 79.




Le deuxième rêve de Florence

Le trou d’ombres

Pendant qu’elle regardait Mike assis à la fenêtre, Florence tombait à son tour dans sa rêverie, sa somnolence, il lui semblait que son existence connaissait ce même ralentissement, une conscience qui n’était plus là mais qui surveillait de loin, une conscience assoupie, peut-être, puis elle ferma les yeux et se mit à rêver, mais ses rêves, eux, couraient en tourbillons autour d’elle, c’étaient ces aiguilles de la conscience au repos lacérant encore notre chair, il y avait quelqu’un qui était là, un mendiant peut-être mais elle ne savait qui, c’était quelqu’un qui semblait vivre dans un trou d’ombres et dont elle ne voyait pas la tête, mais cela grouillait près d’elle, et cette main née d’une monstruosité invisible s’accrochait à la sienne, une voix disait : « Descends, descends avec moi », il y avait comme un essaim de caresses pullulant sur elle, et tous ces frôlements d’une main, d’une bouche, jaillis des sécrétions de l’ombre, du sombre ravin de sa propre violence, peut-être, car nos rêves viennent aussi de nous, ne lui inspiraient que de l’horreur, et elle se réveilla en sursaut, Mike était là, debout devant elle, la tirant par le bras [ ...].

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