Lucain

La Pharsale

Rome   65

Genre de texte
Épopée

Contexte
Les soldats de César, qui viennent de piller le camp de Pompée, font de terribles cauchemars. Ceux-ci culminent chez César, où ils prennent un accent prémonitoire.

Notes
Lucain a pris position en faveur de Pompée, qui était soutenu par le Sénat. Ce parti pris éclate dans les cauchemars qu’il attribue aux soldats victorieux, mais qui se sont souillés moralement par leur lutte fratricide.

Divers commentateurs ont souligné la profondeur de l’analyse psychologique des rêves chez Lucain (J. Bouquet, 94).

Texte original

Texte témoin
Lucain, La Pharsale, VII, 7-30.

Texte sur le site Perseus. Traduction adaptée de J. Bouquet.

Bibliographie
Jean Bouquet, Le songe dans l’épopée latine d’Ennius à Claudien, Bruxelles, Labor, 2001.




Cauchemars de soldats

Horreurs du carnage

Une plèbe impie prend son sommeil sur un gazon patricien, et le soldat criminel presse une couche taillée pour des rois, c’est sur les lits de leurs pères, sur ceux de leurs frères que les coupables ont étendu leurs membres. Un repos délirant les agite et un sommeil furieux: les misérables roulent en leur cœur le combat thessalien. Sur eux veille le crime cruel, de toute leur âme ils agitent leurs armes et leurs mains se meuvent vers la garde de leur épée absente.

Je penserais volontiers que les plaines ont gémi, que la terre coupable a exhalé des âmes, que l’air tout entier a été souillé par les mânes et la nuit d’en haut par les terreurs stygiennes.

La victoire inflige à ceux qui l’ont mérité de tristes châtiments. L’endormissement des sens engendre la vision de serpents qui sifflent et de flammes et de fantômes de trépassés qui s’avancent. Chacun a une image terrifiante qui l’étreint: l’un voit des traits de vieillard, l’autre des formes juvéniles, celui-ci est agité durant tout son sommeil par le cadavre d’un frère, celui-là a un père au fond du cœur. Tous les mânes des morts se retrouvent dans les visions de César. Ainsi Oreste avait vu les Furies qu’il avait fui pour purger son crime dans le pays des Scythes. C’étaient les mêmes sursauts de rage qui agitaient l’âme de Penthée ou celle d’Agavè, lorsqu’elle avait connu son fils. Les yeux de César sont accablés, cette nuit-là, par tous les glaives qu’ont vus Pharsale ou que devait voir plus tard le jour de la vengeance, quand le sénat les dégaina.

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